Deux copains discutent ensemble :

-          Le 7 juin, j’ai participé au roll’athlon.

-          Moi aussi, dit l’autre.

-          Comment ça ? Je ne t’ai pas vu sur la ligne de départ.

-          Quelle ligne de départ ? De quoi me parles-tu ?

-          Eh bien de la course !

-          Quelle course ? Je suis simplement allé déposer mes vieux rollers pour les vendre.

-          Ah…d’accord, tu confonds avec le troc’athlon. Moi, je te parle de cette merveilleuse course qui part de Motz en Savoie, qui fait 103 km et qui arrive à Seyssel.

-          Wouah… tu as fait ça ? T’es un grand malade.

-          Peut-être que oui, peut-être que non.

-          Allez, raconte. Dis m’en un peu plus.

-          Eh bien, cette très belle course offre trois options. Une rando de 53km, une de 103km et la course chronométrée de 103km.

-          Et alors ? Tu as fait laquelle ?

-          Celle de 103 km chronométrée. Je l’avais déjà faite l’année dernière. Mais je n’étais pas entrainé à cause d’une blessure qui m’a immobilisé plus de deux mois. Et malgré la distance, j’y ai pris beaucoup de plaisir.

-          Et alors, tu as fait quoi cette année ?

-          Eh bien, je m’étais bien entrainé. Je m’étais même fixé un objectif de 4h30. Avec des coéquipiers de club et autres copains de roller, nous avions décidé d’arriver sur place le samedi (nous étions 9), de louer des mobil home pour pouvoir bien se reposer pour le lendemain.

Après un très bon repas (chacun apportant son obole), nous sommes tous partis nous coucher. Peu de temps après éclate un très gros orage. Et forcément, sommeil perturbé. Mais sans cela, sommeil perturbé tout de même.

Vous connaissez le syndrome du caca mou ? C’est quand votre cerveau donne des instructions bizarres à vos intestins avant ce genre de course au lieu de garder son énergie pour actionner vos jambes.

Mais dès le lendemain matin, au réveil, pas un nuage. Nous avons tous pris un gros petit déjeuner.

L’heure de partir approche. Nous nous rendons au point de départ, chaussons nos rollers et empruntons la piste cyclable qui nous amène sur la ligne fatidique.

7h30, heure officielle du départ. Rien ne se passe. Une petite annonce nous informe que l’organisation vient juste de finir de nettoyer la route que nous devons prendre, à cause des coulées de boue dues à l’orage de la veille, (bravo à eux) afin de la sécuriser.

7h40. Enfin, le départ. Le vrai.

Je pars relativement vite. La côte du début se monte assez facilement malgré un revêtement encore humide. En haut, j’accroche deux ou trois concurrents. Ce petit peloton s’agrandi bien vite et nous roulons à bonne allure nous relayant.

Arrivent les premières douleurs aux pieds, surtout aux talons, vers le 55ème ou 60ème km. Bref. Pas grave. Je serre les dents et continu. Toujours en peloton.

Nous passons des paysages splendides. Bords du Rhône, campagnes, montagnes, passages entre falaises, barrage, lac du Bourget. Je me surprends même à regarder le ciel. J’aperçois de très grands rapaces voler presque au-dessus de nous. Mais pour qui sont-ils ? Mais non, ballot, j’avais oublié qu’ils étaient dans leur milieu naturel. Ouf.

Arrive le 90ème km. La douleur devient insupportable. Je n’arrive plus à poser mon pied droit sur le sol. Je suis contraint de m’arrêter sur le bord de la route. Je déchausse, me masse les pieds et repars. Le peloton ne s’arrête pas. Alors je continue seul. 95ème kilomètre, même chose. Grrr. Toujours seul. Le mental commence à travailler. Je me concentre alors sur mon patinage et tout commence à aller mieux. J’arrive enfin en haut de la dernière côte. Je me lance dans la descente mais pas trop fort (j’ai toujours mal aux pieds), je ne sais pas si je vais la tenir. Arrive enfin le rondpoint qui m’amène sur la dernière ligne droite avant l’arrivée. Je donne tout ce qui me reste. Une fois franchi la ligne, j’arrête mon gps. Le temps de m’arrêter et de me poser un peu, j’ose jeter un œil dessus. Je n’en crois pas mes yeux : 4h05 (temps officiel 4h06m02s). Et là, grosse émotion due à l’effort et au résultat qui fait transpirer quelque peu mes yeux.

Il ne me reste plus qu’à attendre mes coéquipiers pour qui c’est une première fois. Je ressens alors une grande fierté et un grand bonheur quand je les vois passer les uns après les autres faisant d’excellents chronos (mais un peu chagriné pour Françoise et Patrick C).

-          T’es quand même un grand fou.

-          Mais non, c’est à la portée de tous. Chacun son option et son rythme. Il faut passer outre la peur qui nous empêche de le faire.

-          Bon. Je sais ce que je vais faire. Au prochain troc’athlon, je récupère mes rollers et je t’accompagne l’année prochaine.

-          YESSS !!

 

Patrick F.